Cosmogonie
J’aime écrire. J’adore écrire. C’est à chaque fois pour moi un nouveau challenge, une nouvelle aventure. J’écris donc tous les jours, quel que soit le sujet. Et lorsque j’anime des ateliers d’écriture, je ne peux m’empêcher de répondre moi-même aux consignes que je soumets aux écrivants.
Dans le cadre d’un atelier d’écriture qui portait sur le mythe, la consigne était de réécrire l’histoire du mythe de la création. Je vous présente ci-après ma version.
« Cosmogonie.
Le ciel grondait et les nuages se remplissaient de colère. Les éclairs illuminaient l’univers d’un bruit assourdissant. La terre tremblait et se brisait en petits morceaux. La mer venait s’écraser sauvagement sur les rochers abîmés par les pleurs de l’océan.
L’obscurité régnait, le froid enveloppait la mort et les esprits n’étaient pas. Il n’y avait rien. Pas d’odeur.
Un coup de tonnerre éclata à l’horizon et comme par miracle, une forme peu distincte émergea des profondeurs. Cette masse, qui n’était encore qu’une apparence, s’avança lentement vers la terre ferme. Gracieuse, elle semblait se mouvoir avec légèreté et élégance. Elle était entourée d’une lumière divine qui la portait vers l’avant. Discrètement, elle apparaissait comme une déesse qui vient au monde. Il s’agissait d’une femme. Elle était d’une beauté angélique. Ses cheveux dorés, longs et bouclés, tombaient délicatement sur ses épaules. Elle portait une robe légère bleu pastel qui enveloppait son corps et qui laissait deviner des formes parfaites. Ses yeux étaient vert émeraude. Elle continuait à s’avancer.
D’une bonté exemplaire, elle revenait d’Ailleurs pour sauver les âmes, pour sauver les cœurs, pour sauver les Hommes. Elle avait parcouru d’innombrables continents, traversé toutes les épreuves, bravé des combats gagnés à chaque fois. C’était La Femme.
Eblouie par la clarté, une créature sortit de sa léthargie, blottie au fond d’une grotte, pour voir ce qu’il se passait. Il s’agissait d’un homme. Véritable Apollon, au corps sculptural et à la beauté insolente, il regarda avec attention et étonnement le phénomène qui se déroulait. C’était L’Homme.
Il s’avança vers elle et elle s’avança vers lui, sans un mot.
Comme une évidence et sans discours, leurs corps s’entremêlèrent et s’épousèrent pendant des heures durant lesquelles les étoiles se mirent à briller, la mer à libérer un voile sucré et à chantonner une musique délicieuse. Le sol se réchauffait doucement.
On dira plus tard que « toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées » et que « tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels » mais on n’oubliera jamais qu’ « il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. »{1}
Ainsi, d’une graine jetée sur le sol pendant leurs ébats amoureux, une fleur se mit à pousser. Des ténèbres naissaient le monde. Du chaos naissait la vie sur la Terre.
{1} Alfred de Musset dans On ne badine pas avec l’amour, Acte II, scène 5 (lorsque Perdican répond à Camille).
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